Il y a des moments où c'est trop.
Trop de travail, trop de responsabilités, trop d'incompréhensions sur le rôle de chacun, sur mon rôle à moi, trop d'inconnues dans les problèmes à résoudre. Toujours les mêmes.
Où on n'y voit plus clair du tout. Où tout le monde semble faire le sourde-oreille à mes cris de désespoir. Où la comédie commence à prendre des aires de drame.
Alors bêtement on s'angoisse, on s'obstine, on s'énerve, on se met en colère, on est sûr d'avoir raison... Sans que évidement, rien ne soit résolu. Puisqu'on n'écoute plus, qu'on ne regarde plus, qu'on s'enferme dans son orgueil. Bref, qu'on s'isole.
Pourquoi réagit-il comme ça ? Pourquoi ne me répond-t-il pas ? Pourquoi a-t-il pris cette décision qui me semble totalement infondée ? Pourquoi n'agit-il pas avec plus de méthode ?
Autant de questions qui trouvent leurs réponses dans la diversité des hommes avec lesquels je travaille.
On aurais pas pu imaginer une équipe plus hétéroclite. En âge, en nationalité, en langues, en parcours professionnel, en engagement, en compétences. Difficile alors de trouver une longueur d'onde commune.
Et moi, au milieu de tout ça, la plus petite, la seule fille, je m'épuise à chercher la bonne fréquence...!
Inlassablement, essayer de comprendre ce que l'autre vit pour le rejoindre et ensuite pouvoir avancer ensemble.
Difficile de ne pas se décourager et de ne pas prendre ses deux jambes à son coup pour sauter dans le premier taxi-brousse. Et puis non, ce serait baisser les bras avant d'avoir mené le combat jusqu'au bout, avant d'avoir épuisé toutes les ressources, avant d'avoir tout donné.
Si Il m'a envoyé ici, c'est qu'il doit bien y avoir une raison...
Si Il me l'a confiée, cette mission, c'est qu'il va m'aider à la réaliser...
Il sait bien que je ne suis pas Tom Cruise, que je n'ai pas de caméras secrètes pour comprendre le fonctionnement de l'administration malgache, ni de moto à réaction pour courir entre les fournisseurs, le bureau, l'ingénieur et le chantier.
Il ne peut pas me laisser toute seule, alors.
Et en y regardant de plus près, on se rencontre que non, on est pas tout seul. Qu'au final, on est très entouré même.
Qu'il suffit juste (!) de porter un regard différent sur la situation pour y voir tous les potentiels et non plus tous les manques.
Qu'il suffit juste (!) de connaître les potentiels de chacun pour savoir de quelle manière il pourra être utile au projet et éviter de s'entêter à lui demander des choses dont il n'est pas capable.
Qu'il suffit juste (!) d'apprendre à faire avec les gens comme ils sont et non pas comme on rêverais qu'ils soient. Oui, ce serait certainement plus confortable si j'avais un chef de projet de chez Bouygues, un ingénieur des Ponts et Chaussées et une entreprise générale qui sache faire la plomberie et l’électricité en plus de la maçonnerie. Mais ce n'est pas la réalité.
La réalité, c'est l'aventure humaine qui se construit jour après jour autour des plans, des tuyaux en PVC et des mètres cubes de béton, ici et maintenant. Cette réalité, il faut d'abord l'accepter comme elle est, avec tout ce qu'on ne comprend pas encore et tout ce qui restera inconnu. Et accepter aussi ceux qui sont là. Et les malgaches sont de bons exemples dans ces situations. Eux savent vivre au présent et non pas dans une perpétuelle fuite en avant. Ils savent aussi qu'il est mauvais de briser les liens qui unissent les hommes entre eux, et que le rejet de l'autre est aussi un rejet de soi puisque nous sommes appelés à vivre ensemble.
Il faut donc apprendre à doser la confiance qu'on met dans les gens avec qui on travaille. Pas trop d'un coup. Pas trop peu non plus. D'abord le nécessaire pour avancer ensemble, puis un peu plus si la mayonnaise prend correctement et puis ensuite l'extension de contrat si le premier est rempli ! Banco ! Ca commence à sentir la victoire !
Ne pas oublier de regarder en Haut pour pouvoir avancer