Delphine Callies - Volontaire MEP - ECAR Notre Dame de Fatima Ambohimirary - BP 6036 - 101 ANTANANARIVO - Madagascar. Tel : +261 (0)34 93 727 54
dimanche 22 décembre 2013
mardi 10 décembre 2013
Tête baissée
C’est parti d’une
simple observation : en marchant dans la rue, j’ai continuellement la tête baissée.
Impossible de
faire autrement sans risquer de se prendre les pieds dans les nombreux
obstacles qui jalonnent n’importe quelle « promenade » dans
Tananarive. Les pavés irréguliers et glissants, les trous dans le goudron, les
déchets qui s’amoncellent, les torrents d’eaux qui ruissellement le long des
trottoirs après les gros orages, les dalles manquantes dans les bordures
laissant des trous de plusieurs mètres de profondeur, les petits vendeurs
installant leurs marchandises à même le sol. Bref, mieux vaut avoir un œil
attentif à l’endroit où l’on pose ses pieds ! C’est donc les yeux fixés
sur les pavés que j’arpente depuis un mois les rues de la capitale pour
approvisionner le chantier de tous les matériaux et outillages nécessaires aux
ouvriers. Difficile de s’orienter dans cette ville où il n’existe aucuns panneaux
de signalisation et encore moins indiquant une direction. Le seul moyen de
retrouver son chemin est de mémoriser des points de repères qui serviront au
prochain passage. Le plus drôle est de voir Jean-Baptiste, mon chef de
chantier, se perdre lui aussi dans ces dédales de rues sans nom avec pour seule
remarque : « On perd vite son chemin ici parce que c’est difficile de
trouver le nord »… Effectivement, chacun ces repères !
Merci pour l’humour de Jean-Baptiste dans toute
situation !
Tous ces achats
se font au prix de nombreuses négociations et c’est bien la tête baissée, et parfois les genoux
fléchis quand la discussion s’annonce longue, que les malgaches s’accordent. Là
où nous, européens, nous nous installerions face à face autour d’une table,
pour entamer ce bras de fer verbal, les malgaches eux, restent debout mais
toujours avec les yeux rivés sur le sol. Cette position peut durer assez
longtemps puisque, implicitement, le principe de la négociation établi que le
gagnant est celui qui tiendra le plus longtemps sa position. Croiser le regard
de l’autre serait considéré comme une marque d’irrespect. De l’extérieur il est
impossible de connaître le cours de la conversation. Dénués de toute
expression, les visages sont impassibles et les intonations monocordes. C’est
donc avec beaucoup de curiosité que j’observe Jean-Baptiste agir de la sorte et
parfois l’appuyer de quelques arguments.
Merci pour ces fous-rires, mélanges d’incompréhension
et d’étonnement, qui égayent mes journées !
Toujours dans la
rue, garder la tête baissée permet
d’éviter de croiser trop de regards et ainsi d’avoir l’impression de passer
plus inaperçu. La rue est un fourmillement continu de gens affairés ou guettant
les affaires. Les regards sont souvent chargés d’envies mal intentionnées ou de
provocations. Triste constatation de relations impossibles.
Merci pour les sourires échangés une fois la
confiance établie.
Le second tour de
l’élection présidentielle est annoncé pour le 20 décembre et c’est encore la tête baissée que le peuple malgache
s’apprête à élire un nouveau dirigeant à la tête du pays. Déçue des quatre
années au pouvoir du régime de transition en place depuis le coup d’état de
2009, la population a perdu toute confiance dans ses représentants politiques. Les
deux candidats du second tour étant réciproquement soutenus par les deux
anciens présidents (Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina) qui comptent bien
garder une influence sur le pays, le renouvellement attendu par ces élections
n’est plus à l’ordre du jour. Résignés, les malgaches boudent ce vote,
conscients qu’il sera le résultat de tricheries et d’arrangements et non pas de
la pensée collective.
Merci pour tous ceux qui gardent de l’espérance
pour Madagascar.
Nous étions attablés
dans le salon de Mme Haingo, notre fournisseur principal de matériaux en vrac,
pour payer les livraisons du jour. Son fils apprenait sa leçon du jour, penché sur son cahier d’écolier. Quand il
releva la tête, je constatais avec surprise qu’il lui manquait ces trois dents
de devant.
-« Tsy misy
nify intsony ! (Ah, il n’a plus de dents !)
-Tamin’y telo taoana, ratsy loatra ny nifyny, de asurana ny
nifyny de tsy mitombo intsony. (A l’âge
de trois ans ces dents étaient tellement pourries que je les lui ai fait
enlever. Depuis, elles n’ont plus repoussées)
-Enina taoana izy de efa telo taona izy tsy manana nify
aloha ve? (Il n’a que 6 ans et
ça fait déja trois ans qu’il n’a plus de dents de devant ?)
-Izany (C’est ça) »
Merci pour toutes mes dents !
La tête baissée…
Ça peut être une
attitude de repli sur soi quand le monde extérieur nous rappelle que nous
sommes étrangers et devient agressif ; ça peut être un moyen de cacher ses
sentiments ou ce qui nous anime intérieurement ; ça peut être une attitude
d’intériorisation pour faciliter la concentration…
Les causes sont
multiples, la conséquence est la même : la création d’une rupture avec
ceux qui nous entourent.
Tananarive est un
monde en soi, particulièrement différent du reste du pays. Cette nouvelle vie me redemande autant d’énergie et d’adaptation qu’il
y a un an, pour faire face à toutes les surprises quotidiennes. La tête est
encore baissée mais les yeux sont grands ouverts pour découvrir ce nouveau
monde et j’espère bientôt, m’en émerveiller.
A défaut de photos de Tananarive, une photo de cet été, à Marotandrano, havre de paix au milieu des rizières...
PS : Le facteur du Père Noël Malgache a une antenne en France, n'hésitez pas à le solliciter avant le 6 janvier chez :
Dominique et Catherine LAURENT 12, rue de l'Héronnière 44000 NANTES tel: 02 40 73 92 03 port: 06 35 91 66 91
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