mercredi 20 mars 2013

De la théorie à la pratique (2)

La théorie, c'était aussi tout ce que je m'attendais à trouver ici (même si je ne m'attendais pas à grand chose !). Et la pratique, c'est finalement tout ce que je vis ! Et si on jouait au jeu des différences, vous ne serez pas encore couchés !

En pratique, je ne comprends toujours rien. 

Au début, ça me faisait rire. Même beaucoup rire. A longueur de journée ! Tout était loufoque : les chèvres sur le toit des taxis-brousse, les mécaniciens improvisés à tous les coins de rue. Beaucoup de choses aussi me semblaient absurdes : laver le sol et les vitres avec de la lessive, obtenir un visa à mon nom avec la photo de quelqu'un d'autre. D'autres me laissaient perplexes : s'entasser à 25 dans un taxi-brousse, charger des sacs énormes de charbon sur le porte-bagage d'un vélo, utiliser une monnaie, l'ariary, mais parler encore avec l'ancienne, fmg.  Mais le rire l'emportait toujours parce que je ne me sentais pas encore vraiment concernée. Vu de l'extérieur, c'est toujours plus facile ! C'était comme une pièce de théâtre comique : on rigole, on passe un bon moment, ça nous détend. Mais est-ce, pour autant, suffisant !? Au fond, si j'ai choisi de rester deux ans, c'est bien pour approfondir un peu plus...

Et puis le temps est venu où j'ai du agir. Où on m'a demander de faire. Et là, je n'ai plus du tout rigolé !
Les rapports entre les gens sont régis par de nombreux codes liés à l'origine ethnique, à la couleur de peau plus ou moins foncée, et à un tas d'autres règles sous-jacentes que je commence à peine à mesurer.
De plus, ici beaucoup plus qu'en Europe, c'est l'argent qui domine. Pour tout. On ne passe pas son permis de conduire, on l'achète. On ne fait pas une étude environnementale, on achète le tampon du Directeur du service de l'environnement. On ne fait pas appel à un architecte pour qu'il conçoive un bâtiment, on le paye pour qu'il certifie des plans déjà dessiné par un quidam. Dans ce contexte, difficile de savoir où se positionner. Faut-il faire semblant d'être sérieux, de vouloir faire les choses dans les règles, en s'épuisant ? Où faut-il faire jouer ses relations et son portefeuille ? Les relations n'empêchent pas le portefeuille de se vider parce qu'elles se servent au passage mais elles permettent d'accélérer les procédures !
Mais l'important, ici, c'est de garder de bonnes relations avec les gens. Et ça c'est primordial. Même si ça prend beaucoup de temps, il faut sans cesse aller voir les gens (très peu de choses se font par mail ou par téléphone, surtout avec les administrations), écouter des discours creux qui n'ont aucuns sens dans des jargons juridiques "de façade", repartir sans avoir les réponse à nos questions.

J'ai cru que je rencontrerais des difficultés avec la langue. 
En réalité, la langue est très peu de chose comparée aux différences entre les rapports humains. Ici, beaucoup de personnes me regardent en baissant les yeux, ne veulent pas s'assoir en face de moi mais seulement de profil, m'apportent un document en joignant les deux mains et en baissant la tête. Tout ça parce que je suis blanche. Alors ce que j'essaye de leur apporter, c'est les regarder comme mes égaux.  Ici le racisme et le machisme sont réels et expliquent beaucoup de comportements et de situations.

Je commence à comprendre que mon rôle va être tout autre que celui que j'envisageais. 
Non, je ne serais pas architecte parce que l'architecture du bâtiment a déjà été dessinée. Et de toute façon, la qualité architecturale n'a de sens pour personne ici. La majorité des constructions sont en tôles, construites en deux jours, détruites en deux heures par un cyclone. Autant d'abord chercher à savoir ce qui a du sens pour eux. (où en tout cas pas dans le sens où on l'entend d'habitude)
Non, je ne serais pas non plus conducteur de travaux parce qu'ils en savent beaucoup plus que moi que les techniques de construction. Oui, je vais les aider, mais eux savent déjà beaucoup faire. (où en tout cas pas dans le sens....


Ce que je dois être avant tout, et ce à quoi j'essaye de m'attacher le plus, c'est être témoin de ma foi. Celle qui rassemble tous les hommes en les considérant comme tous égaux devant Dieu. Celle qui me permet, par la prière, de trouver cet universel qui nous rassemble, malgré toutes nos différences et nos incompréhensions, et elles sont nombreuses !


PS1 : Je pars aujourd'hui en vacances dans la brousse de Mandritsara, pendant 10 jours . Nous allons marcher de villages en villages pour visiter les communautés chrétiennes reculées.

PS2 : Pour les retardataires, le Père Noël fait une nouvelle tournée à Madagascar. Vous pouvez lui envoyer courriers et paquets (soyez créatifs !) avant le 15 avril à cette adresse, il me les transmettra :
Bernard Malherbe
8 Bvd St Michel
75006 PARIS

Merci pour tout !!

1 commentaire: