mardi 1 octobre 2013

Chez moi...

Dimanche soir je suis arrivée à l’épiscopat à Tana. J’avais essayé de joindre le Père Frédérique pour le prévenir de ma venue mais il ne répondait pas. J’avais essayé de joindre le Père Paul mais il était parti de Tana pour quelques jours. Je suis donc arrivée par surprise, sans que personne ne m’attende… et pourtant il y avait un repas chaud et un lit pour dormir. Je me sens ici chez moi.

Je suis partie de Mahajanga au début du mois de juin, sans savoir où j’allais. J’ai fait ma valise en moins d’une semaine et je suis partie. Quelle allait être ma nouvelle mission ? Quand allait-elle commencer ? Où allais-je habiter ? Devrais-je réapprendre un nouveau dialecte ? Me réhabituer à de nouveaux paysages ? Autant de questions qui n’avaient pas l’ombre d’une réponse !

Alors je me suis laissé porter au grès des invitations. Et elles n’ont pas manquées. D’abord Sainte Marie, puis Anjomakely, puis Mahazoma, puis Mandritsara et Marotandrano, puis Tsarahasina. Tout ça entrecoupé de passages par Tana et Anstirabe. Mon sac sur le dos, le plus léger possible, de missions catholiques en maisons communautaires, ce fut un été (ou plutôt hiver ici !) itinérance. Pas plus de 15 jours d’affilé dans le même endroit.
Les tâches sont nombreuses ici et les aides sont toujours les bienvenues. Facile de trouver des choses à faire, de s’occuper des enfants, de donner des coups de mains là où il y a besoin.
Mais à travers tous ces échanges, il y a eu bien plus que cette utilité derrière laquelle il est si facile de se cacher. Il y a eu le sentiment de me sentir chez moi. Et c’était bien le dernier moment où je pouvais m’y attendre ! J’étais « sans domicile fixe » comme j’aimais bien le dire, et pourtant j’étais chez moi partout.

A Mahazoma, les enfants m’attendaient dès le matin pour aller se promener à travers les chemins poussiéreux de la brousse toute la journée. A Anjomakely, je traduisais l’histoire de Dumbo en malgache aux plus petites sans me rendre compte que toutes les filles de l’orphelinat s’étaient groupées autour de moi discrètement pour écouter. A Mandritsara, je négociais des lambas pendant une demi-heure, prise au jeu de ces discussions interminables d’où l’on ressort plus satisfait de l’échange jovial que de l’achat en lui-même. A Marotandrano, je plumais le poulet pour le déjeuner avec la cuisinière en essayant de déchiffrer son accent tsimiety à couper au couteau. A Anstirabe, je laissais une petite fille m’utiliser comme appui pour ses sauts de puces pendant toute une après-midi, émerveillée de son sourire jusqu’aux oreilles que rien ne semblait pouvoir assombrir.

Pendant ces quatre mois, je n’étais rien, je n’avais plus de mission, plus de fonction, plus rien qui explique ma présence ici. Et pourtant, je crois que c’était les quatre plus beaux mois. Parce qu’ici, tout ça n’a aucune importance. La valeur de ce que l’on vit dans ce pays est dans le temps partagé, dans l’accueil de ceux qui se présentent, dans cette attention à ceux qui nous entourent, même si nous ne sommes là que de passage.
J’ai découvert la joie d’être pauvre. De ne rien à apporter que moi-même, sans étiquettes ou cadres, sans prétentions, sans ces titres qui creusent des fossés là où on aimerait construire des ponts. Et ainsi la joie d’une vie plus simple où les codes semblent abolis au profit d’échanges spontanés.

Je reste vazaha. Et donc sur un pied d’estale dans la conception malgache. J’ai même été surnommée par le Père Jeannot « Fille de François Hollande, Ambassadrice de France à Mahazoma» dans un grand éclat de rire réciproque. Mais ça ne les empêche pas de me faire une place dans leur cœur et de les laisser en faire une dans le mien, pour qu’ensemble, on se sente ici  chez nous.

Comme ces instants ne se photographient pas, en voici d'autres...










2 commentaires: