Dimanche soir je
suis arrivée à l’épiscopat à Tana. J’avais essayé de joindre le Père Frédérique
pour le prévenir de ma venue mais il ne répondait pas. J’avais essayé de
joindre le Père Paul mais il était parti de Tana pour quelques jours. Je suis
donc arrivée par surprise, sans que personne ne m’attende… et pourtant il
y avait un repas chaud et un lit pour dormir. Je me sens ici chez moi.
Je suis partie de
Mahajanga au début du mois de juin, sans savoir où j’allais. J’ai fait ma
valise en moins d’une semaine et je suis partie. Quelle allait être ma nouvelle
mission ? Quand allait-elle commencer ? Où allais-je habiter ?
Devrais-je réapprendre un nouveau dialecte ? Me réhabituer à de nouveaux
paysages ? Autant de questions qui n’avaient pas l’ombre d’une réponse !
Alors je me suis laissé
porter au grès des invitations. Et elles n’ont pas manquées. D’abord Sainte
Marie, puis Anjomakely, puis Mahazoma, puis Mandritsara et Marotandrano, puis
Tsarahasina. Tout ça entrecoupé de passages par Tana et Anstirabe. Mon sac sur
le dos, le plus léger possible, de missions catholiques en maisons
communautaires, ce fut un été (ou plutôt hiver ici !) itinérance. Pas plus
de 15 jours d’affilé dans le même endroit.
Les tâches sont
nombreuses ici et les aides sont toujours les bienvenues. Facile de trouver des
choses à faire, de s’occuper des enfants, de donner des coups de mains là où il
y a besoin.
Mais à travers
tous ces échanges, il y a eu bien plus que cette utilité derrière laquelle il
est si facile de se cacher. Il y a eu le
sentiment de me sentir chez moi. Et c’était bien le dernier moment où je
pouvais m’y attendre ! J’étais « sans domicile fixe » comme j’aimais
bien le dire, et pourtant j’étais chez moi partout.
A Mahazoma, les
enfants m’attendaient dès le matin pour aller se promener à travers les chemins
poussiéreux de la brousse toute la journée. A Anjomakely, je traduisais l’histoire
de Dumbo en malgache aux plus petites sans me rendre compte que toutes les
filles de l’orphelinat s’étaient groupées autour de moi discrètement pour
écouter. A Mandritsara, je négociais des lambas pendant une demi-heure, prise
au jeu de ces discussions interminables d’où l’on ressort plus satisfait de l’échange
jovial que de l’achat en lui-même. A Marotandrano, je plumais le poulet pour le
déjeuner avec la cuisinière en essayant de déchiffrer son accent tsimiety à
couper au couteau. A Anstirabe, je laissais une petite fille m’utiliser comme
appui pour ses sauts de puces pendant toute une après-midi, émerveillée de son
sourire jusqu’aux oreilles que rien ne semblait pouvoir assombrir.
Pendant ces
quatre mois, je n’étais rien, je n’avais plus de mission, plus de fonction,
plus rien qui explique ma présence ici. Et pourtant, je crois que c’était les
quatre plus beaux mois. Parce qu’ici, tout ça n’a aucune importance. La valeur
de ce que l’on vit dans ce pays est dans le temps partagé, dans l’accueil de
ceux qui se présentent, dans cette attention à ceux qui nous entourent, même si
nous ne sommes là que de passage.
J’ai découvert la
joie d’être pauvre. De ne rien à apporter que moi-même, sans étiquettes ou
cadres, sans prétentions, sans ces titres qui creusent des fossés là où on
aimerait construire des ponts. Et ainsi la joie d’une vie plus simple où les
codes semblent abolis au profit d’échanges spontanés.
Je reste vazaha.
Et donc sur un pied d’estale dans la conception malgache. J’ai même été surnommée
par le Père Jeannot « Fille de François Hollande, Ambassadrice de France à
Mahazoma» dans un grand éclat de rire réciproque. Mais ça ne les empêche pas de
me faire une place dans leur cœur et de les laisser en faire une dans le mien,
pour qu’ensemble, on se sente ici chez
nous.
Comme ces instants ne se photographient pas, en voici d'autres...
Merci pour ce joli message !
RépondreSupprimerà demain !!!!!!!!!!!!!
Bisous
c'est toujours très beau ce que tu écris !
RépondreSupprimerBravo