mercredi 23 janvier 2013

MISSION... Mission...mission



La grande MISSION, commune à tous les MEP, prêtres missionnaires et volontaires est très claire : annoncer l’Évangile en témoignant de sa foi. Essayer, humblement de vivre à l'image du Christ, chaque jour. Jusque là vous me suivez ! Pour cela, ils nous ont quand même donné quelques pistes, histoire d'y voir plus clair : ...Etre...Aimer...Adorer... sont les trois mots clés qui guident notre quotidien.

Etre
Bien qu'il n'existe pas de verbe "être" dans la langue malgache (vous pouvez essayer de compter combien de fois vous l'utilisez par jour et vous comprendrez mon soucis actuel : par quoi vais-je bien pouvoir le remplacer !?), ils ont une très grande faculté à vivre dans le temps présent, et donc à être. Donc il me suffit de les regarder et d'agir avec eux pour expérimenter cette dimension fondamentale de la mission. Je voudrais le développer plus longuement dans un prochain article mais je vais quand même vous donner un exemple maintenant !

C'était lundi dernier. Nous devions repartir de Marovoay à 7h pour être vers à 9h à Mahajanga. C'était évidemment sans compter sur les imprévus. Voyant que le départ n'était pas imminent, je me suis installée par terre, sous la loggia des gardiens de la Mission catholique. Nous échangions quelques mots en malgache de temps en temps pendant qu'ils vaquaient à leurs occupations. La mère est allé au marché chercher de quoi préparer le déjeuner. Pendant ce temps, le père balayait la maison. Quand la mère est rentrée, elle a nourrit leur petite fille de 2 ans pendant que le mari commençait à cuisiner le repas. Ensuite la grand-mère est venue. Elle a réduit les graines de café en poudre à l'aide d'un grand pilon puis elle a passée la poudre obtenue au tamis fin. Ensuite c'est la belle sœur qui s'est arrêtée sur son chemin pour allaiter son fils à l'ombre de la loggia. La mère avait commencé à rapper la noix de coco quand le livreur est venu apporter la commande de charbon pour la semaine. Le frère a apporté le journal et a partagé les nouvelles avec tout le monde. La vie semblait aller doucement, simplement et paisiblement ici. Ponctuée de partages, de visites, d'échanges familiaux et amicaux, la journée n'est pas vécue comme une course après le temps (mais après quoi au fond ?), mais comme une suite de moments dans lesquels les gens sont présents les uns aux autres; par tout leur être et non pas seulement par leur corps.
Nous ne sommes finalement partis qu'à 11h... Je n'avais rien fait de la matinée, assise sur ma petite bordure en béton, regardant ces vas-et-viens avec autant d'étonnement que d'admiration. Mais je n'avais pas du tout l'impression de l'avoir perdue pour autant... Peut-être parce que j'avais accueillis chacun de ces instants comme une richesse à vivre, à leur exemple, et non pas comme une fuite désespérée vers le futur avec l'espoir qu'il soit meilleur que le présent.

Aimer
C'est par l'amour que je justifierais, s'il le fallait, l'un des élans qui m'ont poussé à faire ce choix de partir en mission. Par amour, j'entends la force bienveillante qui attire les hommes entre eux. Oui, si je suis venue ici, c'est pour aller à la rencontre de ce peuple, si différent du notre (et chaque jour apporte son lots d'incompréhensions !); mais pourtant tous les deux unis par leur condition de communauté rassemblant des hommes. Le but n'est pas d'en donner une définition (je ne m'y risquerais pas !), mais plutôt d'approfondir une question... qui restera un grand mystère !


Ce soir là a commencé, comme tous les mardi soir, par le lancement du sujet. Avec les lycéens du petit séminaire, nous nous retrouvons deux soirs par semaine pour débattre autour de thèmes qui leur tiennent à cœur. Soliman avait choisit cette question "La jalousie est-elle une preuve d'amour ?". Nous avons commencé par définir les termes du sujet : la jalousie, la preuve d'amour et enfin, nous nous sommes essayés à définir l'amour. 
- On ne peut pas dire "je t'aime parce que" car l'amour est inconditionnel. (Hermès)
- Et est-ce qu'on peut dire "je t'aime à cause de" ? (Soliman)
- Non, parce ce que l'amour est positif et apporte du bien alors que "à cause de" introduit  une idée négative. (Safidi)
- Alors on peut dire "je t'aime grâce à"...? (Soliman)
- Heu... (Hermès et Delphine)
- Oui, on peut dire "je t'aime grâce à ton humanité". (Safidi)

Oui, je crois que je peux l'accepter celle là, elle me conviens !

Adorer
C'est remercier Dieu pour tout ce qu'il nous donne chaque jour. C'est porter son regard vers Celui qui nous a créé, qui nous connais mieux que nous-même et qui nous guide vers ce qu'il y a de meilleur en nous. C'est s'unir à tous les hommes avec qui nous partageons la même mission : aimer en suivant Celui qui a tout donné pour nous témoigner de la puissance de son Amour.

C'était ma première semaine à l'évêché. Le vendredi soir, pendant le dîner, René (un séminariste) me demande :
- "Delphine, Jésus m'a demandé pourquoi tu ne venais pas prier avec nous à la messe le matin ?"
- "Heu, (...gros blanc...!) parce que la messe est à 6h et que c'est très tôt pour moi...(grosse esquive !)"
Finalement, je ne mis pas longtemps à comprendre le rythme des malgaches (c'est facile, il suffit de regarder le soleil !) et à me réveiller aussi à 6h tous les matins...!


Ensuite, chacun a reçu une Mission particulière dans laquelle il va faire de son mieux pour mettre en pratique cet idéal. Pour moi il s'agit de la construction d'un hôpital. Pour l'instant c'est encore un casse-tête chinois (ou malgache, je ne sais pas lequel est le plus compliqué !), une sorte de bobine de ficelle dont j'essaye de démêler les nœuds tous les jours mais dont j'ai l'impression qu'ils se referment de plus en plus au fur et à mesure que je les manipulent !
Pour résumer l'histoire, un géomètre italien (parlant italien et vivant en Italie !) a dessiné le projet d'un hôpital de 10 000 m² en moins de 6 mois (c'est un temps d'étude extrêmement rapide pour autant de surface). Je suis arrivée pour faire exécuter à 35 ouvriers malgaches ce qui a été dessiné. Simple me direz-vous ! Les choses se compliquent quand le géomètre ne parle pas français, que je ne parle pas italien et qu'il ne parle que quelques mots d'anglais. Les choses se compliquent encore quand une seule personne sur les 35 ouvriers parle français et qu'elle n'est pas tout le temps là. Et les choses se compliquent encore plus quand le Père Bruno décide de partir en Italie pour faire de la pub pour le projet et rapporter de l'argent (le budget prévisionnel n'est pas du tout rassemblé !) et me laisse toute seule pendant un mois et demi pour gérer la situation ! 

Je me souviens de la remarque anodine du Père Bertrand la première semaine de mon arrivée :
-"Il faudra que tu apprennes vite à reconnaître un acier de 6, d'un acier de 8 ou de 10 !".
- "Euh... (c'est quoi un acier de 6...? Et ça sert à quoi ? Et je le met où ? Et...)..."
C'est dire si je partais de loin !

Une seule solution, retrousser ces manches, apprendre le vocabulaire technique en italien (pour avoir une base de communication à peu près seine avec Roberto), apprendre le malgache (heureusement j'avais déjà commencé !), potasser les sites internet d'ingénierie de la construction pour savoir comment ? quoi ? où ? combien ? pourquoi ? quelle épaisseur ? quel dosage ? quelle quantité ? quelle dimension ?... (j'avais l'impression d'avoir 2 ans et de découvrir le monde !).

Au bout de 2 mois j'en sais un peu plus... mais il reste encore beaucoup d'inconnues que je ne vais pas tarder à explorer !


Et pour finir, il y a toutes les petites missions annexes. Celles qui n'ont pas été définies au début et qui viennent se greffer au fur et à mesure des rencontres, des occasions, des temps libres. Même si elles peuvent paraître secondaires à première vue, elles sont toutes reliées de la même manière à la première grande MISSION.
Je donne donc quelques cours de français. Le midi à deux séminaristes stagiaires à l'évêché et le soir j'essaye de motiver les lycéens du petit séminaire en animant des débats en français.
Le samedi je m'occupe, avec Stella, une volontaire italienne, d'accueillir les enfants dont les mères ont des soucis pour les nourrir et qui sont souvent en malnutrition. On les pèse pour surveiller leur évolution et on leur donne du lait en poudre et des petits pots pour compléter leur alimentation.
J'ai aussi la grande joie de continuer mon engagement auprès des Scouts et Guides de France en tant que "chargée de mission pays" pour soutenir les 14 équipes de Compagnons (18-21 ans) qui ont choisi Madagascar pour réaliser leur projet d'été et qui arriveront au mois de juillet et août prochain.

3 commentaires:

  1. Raconte nous une histoire !! Encore une histoire !
    Merci pour toutes ces petites anecdotes qui nous aident à imaginer ta vie à Mahajanga !

    Bisous
    Amélie, Paul et Clothilde

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  2. C'est un plaisir de te lire, Delphine ! Et quelles belles photos...
    Tu as vraiment l'air d'être à ta place, là où tu es.
    Bonne continuation !
    Bises,
    Aline

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  3. Tu sembles y voir clair. Ou du moins tu prends vraiment le temps d'analyser, de peser les choses.
    Un bel exemple pour nous qui, ici, préférons courir le marathon.
    Merci pour ton témoignage et ton partage.
    A méditer...

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