lundi 26 août 2013

Cette fameuse rencontre...

Il y a un mois...
...j'avais rendez-vous avec une équipe de Compagnons Scouts et Guides de France. Ils arrivaient à Madagascar pour réaliser leur projet de solidarité à Andasibe. Ils étaient jumelés avec une équipe de 5 guides malgaches pour repeindre des salles de classes, faire de l'animation avec des enfants et former des professeurs de français. En soi, rien de nouveau dans le paysage de l'action humanitaire. 
Nous nous étions déjà croisés lors de leur arrivée à Tana pour les accueillir et en profiter pour faire le point sur leurs inquiétudes, leurs interrogations et surtout sur leurs attentes. Leurs envies de rencontres étaient, pour tous, au cœur de ce voyage qu'ils préparaient déjà depuis plus d'un an en France.

Aujourd'hui...
...j'avais rendez-vous avec eux pour... Pour quoi au fait ? En y allant, je me suis posée la question. Qu'est-ce que j'ai à leur apporter ? Accepteront-ils de partager avec moi ce qu'ils ont vécu ? Ils ont déjà bien assez de personnes en France qui vont les assaillir de question dès leur arrivée ! C'est surement beaucoup trop tôt pour faire un bilan et prendre du recul, ils n'ont même pas encore quitté le sol malgache !
Et pourtant le rendez-vous était pris et il fallait y aller...!

Pour certains il était trop tôt pour parler. Trop d'images dans la tête pour pouvoir en sélectionner une ou deux. Trop de gens rencontrés pour savoir lesquels les ont le plus marqués. 
Pour une autre il y avait des frustrations. Celle d'avoir croisé beaucoup de personnes mais de ne pas avoir forcément pu partager en profondeur avec elles. Celle de s'être sentie limitée dans ses échanges, par la langue un petit peu mais surtout par ces différences culturelles qui sont devenues tout d'un coup très concrètes ! Celle de ne pas avoir réussi à tout comprendre des malgaches, de leurs réactions, de leurs rires, de leur quotidien.
Pour un autre il y avait de grandes joies. Celle d'avoir accueilli chaque jour et chaque instant comme une grande richesse. Celle d'avoir laissé des enfants tirer dans une balle de tennis avec un bâton de canne à sucre plutôt que de s'entêter à leur faire respecter les règles de la thèque. Celle de les voir s'amuser avec le peu de choses qu'ils avaient pu leur apporter.

Et c'était beau. Parce que c'était vrai. 
A eux 6 ils avaient vécu exactement ce que j'avais pu ressentir depuis ces 8 mois. 

Des moments magiques où la terre pourrait s'arrêter de tourner qu'on ne s'en apercevrait même pas. Des moments où ce que l'on voit ou ce que l'on entend dépasse largement tout ce qu'on l'on aurait pu imaginer. Et puis des moments de grande solitude où on ne sait plus comme se situer par rapport à ceux qui nous entourent, où les situations nous échappent complètement, où on ne comprend plus et où on arrive plus à se faire comprendre.

Je me souviens de cet homme, sur l'île Sainte Marie, qui nous a accompagné à pieds pendant quelques heures pendant notre randonnée au mois de juin. Il me racontait sa vie de pécheur. Ce qu'il péchait, combien il le vendait, la fluctuation des prix en fonction du nombre de touristes dans les hôtels de l'île, comment il conservait le poisson quand il n'y avait pas d'acheteurs. Il m'expliquait qu'il n'était allé qu'une fois jusqu'à Tana mais qu'il ne connaissait pas le reste de la grande île. Il me demandait à quoi ressemblait Mahajanga, et l'Europe, et la France. Et j'essayais de lui rendre ces lieux plus proche en essayant de trouver des points communs pour qu'il puisse se les représenter plus facilement.
Deux cœurs attentifs, quatre oreilles grandes ouvertes, une belle rencontre malgré le peu de temps passé ensemble !

Et puis il y a eu cette invitation des ouvriers du chantier de Mahajanga pour un famadihana au milieu du mois d'août dans la région d'Ambatolampy. Il s'agit d'une fête traditionnelle où les malgaches sortent les morts des tombeaux et changent les tissus qui entourent les ossements. Elle a lieu tous les cinq ou sept ans et rassemble tous les membres de la famille, même ceux très éloignés qui font le déplacement pour l'occasion. J'étais à la fois très touchée de l'invitation, heureuse de les revoir et curieuse de découvrir cette coutume. Et mon étonnement fut très grand. Tout le village se préparait à la fête : les habitants des villages voisins poussaient des palettes bricolées avec des petites roues pour transporter des caisses de boissons, des tables, des marmites; des groupes électrogènes étaient apportés sur des charrettes à zébus pour faire fonctionner les baffles pour la musique; les cochons étaient égorgés à coups de machettes puis leurs poils brulés et ensuite leurs entrailles ouvertes devant  les enfants tout excités; les litres de rhum coulaient déjà à flot alors que la matinée venait à peine de commencer. Bref, un univers surprenant et incompréhensible pour une européenne comme moi. Un sentiment d'étrangeté mêlé à un étonnement sans limites. Moi qui les avaient côtoyés pendant 6 mois sur le chantier, je me rendais compte à quel point j'avais encore si peu saisi qui ils étaient et ce qui les animait.

Dernièrement, le Père Frédérique qui est chargé de l'accueil à l’épiscopat de Tana me montrait le dos de sa main en me disant : "Tu vois, on a la même couleur de peau". Sur le coup j'étais un peu dubitative parce que, autant certains malgaches des hauts plateaux ont la peau assez claire et peuvent éventuellement se faire passer pour des vazaha, autant lui vient de la côte Est et a la peau plutôt foncée. 
Et puis il l'a retournée pour me présenter sa paume. Et j'ai compris où ils voulait en venir. Et on a éclaté de rire ensemble !

Les rencontres...
Il y a celles que l'on espère, celles que l'on imagine, celles que l'on idéalise.
Et puis celles qui se présentent et qui nous surprennent. Elles deviennent tout d'un coup réelles et nous obligent à dépasser nos idées reçues, nos certitudes et nos petites vérités dans lesquelles on s'installe si confortablement.

Rencontrer c'est d'abord accueillir l'autre et essayer de le rejoindre dans ce qu'il vit.  C'est essayer de se mettre à sa hauteur pour comprendre d'où il vient et ce qu'il est. C'est accepter d'ouvrir son cœur à l'inconnu pour partager ce que nous sommes. C'est rechercher l'unité là où on ne voit que ce qui nous sépare.

Deux mondes qui se croisent. Parfois ils se rencontrent, parfois ils s'entrechoquent. Mais à chaque fois cela produit des étincelles qui les fait grandir. C'est magique, et ça, les Compagnons l'ont déjà compris !


PS : J'ai la grande joie de rentrer en France du 2 au 16 octobre prochains ! Pour ceux que je n'aurais pas encore contactés, n'hésitez pas à me faire signe pour que l'on puisse ... se rencontrer !!

4 commentaires:

  1. Depuis le temps que je l'attend cet article... ça fait du bien de te lire ma Dédé... quelle belle aventure... A bientôt, en métropole.!

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  2. ça donne juste envie de partir aussi au bout du monde pour découvrir qui est l'autre ! à bien tôt ma grande soeur !

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  3. "Qu'est-ce que j'ai à leur apporter ?"
    Je peux te dire que tu leur a apporté beaucoup, à cette équipe de Compagnons. Nous arrivions avec nos petites frustrations, nos déceptions (notamment par rapport à notre jumelage avec les guides malgaches), et avec ton regard extérieur sur notre projet, tu as changé le notre sur ce mois à Andasibe, en relevant tous les points positifs là où nous n'en voyions pas forcément, en nous disant que "si, vous ne vous rendez pas compte, mais c'est formidable ce que vous avez fait avec elles, leur laisser la parole comme ça, vous avez essayé de vivre cette relation, cette rencontre jusqu'au bout, et c'est beau". Je suis repartie du Café de La Gare avec un état d'esprit différent.
    Alors merci pour ce regard neuf, bienveillant et enjoué que tu as porté sur notre mois vécu à Madagascar, merci d'avoir été une des ces rencontres qui font grandir.
    Léa, de cette fameuse équipe compa

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