samedi 2 février 2013

Et l’hôpital dans tout ça !?




Ça y est, je suis rentrée dans le vif du sujet cette semaine ! C’était aussi déroutant que passionnant… Comme tout ce que je vis ici en fait ! Déroutant parce que je ne comprends pas encore tout (loin de là !) donc chaque jour amène son lot de questions qui restent en suspens un certain temps avant de trouver leur réponse quelques jours plus tard… (ou pas !); et passionnant parce que tout le diocèse (et même plus !) attends la réalisation de ce bâtiment, que je vois directement l’impact de mon travail et que j'apprends énormément sur les techniques de construction.

Bienvenu à Antanimalandy (nom du quartier dans lequel se situe le chantier) !

C'est par là qu'on rentre sur le chantier...!
Mais commençons pas une courte présentation du projet avant de présenter mon travail (ou en tout cas ce que j’en comprends pour l’instant !).

L’hôpital sera composé d’un ensemble de 8 bâtiments variants de 120 m² à 3600 m². Il s’agit d’un bâtiment pour les urgences et les consultations, un hôpital (avec 150 lits), un bâtiment pour accueillir les familles des malades, un bâtiment pour loger le personnel médical, un bâtiment pour accueillir la mission (religieuses qui s’occuperont de la gestion de l’hôpital), une église et quelques bâtiments annexes.  Bref, vous l’aurez compris, il y a du travail en perspective… puisque nous en sommes actuellement aux fondations du premier bâtiment !


Jusqu'à maintenant, je venais sur le chantier surtout en observation parce que le Père Bruno était encore là et qu’il était l’interlocuteur unique de Dody, le chef du chantier. Je communiquais plutôt avec Tsiry, l’ingénieur (!) qui parle français. Mais le Père Bruno est parti chercher des fonds en Italie et Tsiry est rentré à Tana pour se faire soigner… Donc je me retrouve maintenant toute seule en face de Dody !


Quand on entre par l'entrée principale

La feuille de route est tracée, et même s’il n’existe pas de planification des tâches comme on l’entend chez nous, il n’y a pas de temps à perdre. Et les ouvriers l’ont aussi compris puisqu’en ce moment, ils mettent les bouchées doubles ! Et ils ont opté pour une stratégie payante : se diviser pour mieux régner (malheureusement, je suis toute seule donc je ne peux pas en faire autant !).  Ils sont 34 et cette semaine ils se sont séparés en 3 équipes pour lancer trois travaux différents : la construction d’une sorte de puits pour faire s’évacuer les eaux de pluies qui ruissellent dans toute la parcelle (c’est devenu urgent parce que la saison des pluies a commencé et que les quantités d’eau qui tombent sont phénoménales !), la construction d’un beau mur en pierre sur toute la limite Est de la parcelle, celle où se situera l’entrée principale, et enfin, la fabrication des ferraillages pour les fondations en béton du premier bâtiment. Plus les petits travaux annexes comme la fabrication de la buse pour l’évacuation, la finition des « chapeaux » sur le mur d’enceinte… Ça aurait été plus pratique avec deux yeux en plus derrière la tête ! 

Mur d'enceinte au Nord-Est de la parcelle


Les ouvriers coupent les fers puis les plient pour former des "rectangles" selon les dimensions des semelles et des longrines.

Il s’agit donc pour moi d’anticiper leur travail en préparant des dessins à une plus petite échelle que ceux déjà existants. Roberto, l’architecte italien qui a dessiné le projet, a déterminé les grandes lignes de la construction et il faut maintenant réfléchir plus précisément à la mise en œuvre des matériaux, aux dimensionnements des éléments et à l’ordre de réalisation des différents travaux.
Pour l’instant je n’ai pas encore beaucoup anticipé donc nous faisons la course ensemble avec les ouvriers, alors que je devrais la faire devant eux. J’ai donc percé mes nuits cette semaine pour produire les dessins dont ils avaient besoin le lendemain ! sic ! C’est le plus court délai entre la conception et la réalisation que j’ai vu jusque-là !

Oui, d'accord, j'ai des progrès à faire...!
Celui-là était plus simple...!

Je vais donc sur le chantier tous les jours, à 7h. Mon rôle est un peu ingrat puisque je viens pour contrôler la bonne exécution de ce que j’ai dessiné. Je me balade donc avec mon mètre et gare aux centimètres en trop ou en moins ! Toutes nos conversations sont ponctuées de « Mety ? Mety !» (Ca convient ? Ca va !) ou de « Mety ? Tsy mety ! » (Ca conviens ? Non ce n’est pas bon !). Et évidemment,  ça n’a pas loupé ! Les erreurs ont déjà commencées ! Pas toujours facile, alors que je suis une fille (et qu’ils sont 30 gars !), et que je parle français (et qu’ils parlent malgache !), et que je n’ai pas d’expérience (et que ça fait 15 ans que le chef travaille avec le Père Bruno pour toutes ses constructions !), d’avoir de la crédibilité !
Donc j’ai opté pour une intensification de l’apprentissage du malgache et un déploiement d’énergie et de précision au niveau des dessins, moyen de communication qui me paraît le plus fiable pour l’instant.


La première étape consiste à me faire accepter, ensuite il faut que je me fasse comprendre, et encore ensuite il faut que je me fasse entendre. 

« Me faire accepter »…
L’erreur du début a été de ne pas me présenter devant tout le monde à mon arrivée. Ça aurait facilité mon intégration.
J’ai donc profité des derniers jours de soleil pour tirer le portrait de mes 34 gugus en leur demandant à chacun leur prénoms. Et j’ai réalisé un trombinoscope trop classe pour essayer de mémoriser leurs prénoms. « Work in progress !»… et ça va me demander encore de la persévérance !  Mais leurs sourires quand ils entendent leur nom lors de mon bonjour matinal me montrent déjà que je suis sur la bonne voie.


« Me faire comprendre »…
Je crois que je me souviendrais longtemps du regard de Dody quand je lui ai présenté mes premiers dessins pour le puits d’évacuation de l’eau. Il y a eu un grand silence, puis ces yeux se sont promenés sur toute la surface de la feuille (des feuilles plutôt !), et enfin il m’a regardé en me disant « Mazava », « Je comprends !». Et moi j’ai compris qu’il n’avait pas dû voir beaucoup de dessins avant le mien !
Evidemment, il est crucial que j’acquière rapidement un minimum de vocabulaire (hauteur, largeur et profondeur sont en haut de la liste !) pour faciliter la compréhension.
Sœur Stéphane, notre prof de malgache, m’a accompagné vendredi matin sur le chantier. Elle m’a dit qu’ils me comprenaient et qu’il ne restait plus qu’à mettre les mots de la phrase dans le bon ordre ! Je tiens le bon bout !
Pour ce qui est de les comprendre, je panique encore quand les phrases sont trop longues et quand leur accent est trop différent de celui d’ici ! « Work in progress !»

« Me faire entendre »…
C’est une chose de faire des dessins et c’est une chose de les expliquer… mais s’en est une autre qu’ils les réalisent J ! Il n’y a que Dody qui regard les dessins. Avec tous les autres, la transmission se fait oralement, par lui. Donc c’est normal que certains détails passent à la trappe parce qu’ils n’ont jamais vu ce à quoi ils devaient aboutir. Donc pour moi, il s’agit de dessiner avec des dimensions rondes ((plus faciles à mémoriser !) (Éviter le « 3,19m » de profondeur pour le puits par exemple !) (J’étais rouge de honte de mon erreur à chaque fois qu’il rappelait aux gars la mesure !)), essayer de simplifier au maximum les divisions et les subdivisions, et surtout ne pas oublier TOUTES les côtes sur les dessins parce qu’ils ne font pas les additions… !
Et ensuite, commencer à discuter des modes de réalisation… Roberto a son idée, Dody a la sienne et entre les deux, mon cœur balance !


Ils sont pour l'instant très appliqués.

Roberto joue un rôle important dans tout ça puisque nous nous échangeons plusieurs mails par jour, dès que je suis rentrée à l’évêché en fin de matinée. Je lui envoie mes propositions dessins sur la manière dont j’envisage tel détail et il les corrige avec des commentaires jusqu’à ce que j’ai tout compris (ce qui peut parfois donner lieu à plusieurs échanges avant d’arriver au dessin final !).

A bientôt pour la prochaine visite !


Au revoir !


3 commentaires:

  1. Tu es à la meilleure école qui soit : l'école sur le terrain ! Profites-en bien !

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  2. C'est avec une grande admiration que je viens de découvrir ton blog ! Que de chemins parcourus depuis notre rencontre.
    C'est un magnifique projet que tu mènes et tu peux en être fière. Je crois que je suis bien placée pour te dire combien un hôpital est utile :)
    Je te souhaite une magnifique aventure, des belles rencontres et surtout une extraordinaire "redécouverte" de soi !!!
    A bientôt sur ton blog :)
    Bisou
    Claire

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  3. Trop bien l'idée du trombinoscope!
    Il n'est pas dit que Dédé va baisser les bras aux premières difficultés!!!
    ça c'est sûr, tu es à la meilleure école qui soit!

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